Qu’est-ce qu’un climat ou un micro-terroir en viticulture ?

Avant d’entrer dans les détails, faisons le point sur les termes. Le mot « climat » tel qu’il est utilisé en Bourgogne ne fait pas référence à la météo, mais plutôt à une parcelle de vigne délimitée avec précision, bénéficiant de conditions uniques en termes de sol, exposition et microclimat. Ces parcelles sont travaillées et vinifiées séparément pour exprimer pleinement leur personnalité.

En Champagne, on parle plus volontiers de « parcelles » ou de terroirs, le concept de climat étant moins formalisé. Cependant, certaines similitudes existent, notamment dans la reconnaissance d’éléments spécifiques influant sur les caractéristiques d’un vin.

Une mosaïque de terroirs uniques en Champagne

La Champagne s’étend sur environ 34 300 hectares de vignes répartis sur cinq grandes régions : la montagne de Reims, la vallée de la Marne, la côte des Blancs, la côte des Bar et la petite montagne de Vitry. Ce vaste paysage offre déjà une belle variété de conditions géologiques, climatiques et culturales.

En matière de sols, la Champagne est célèbre pour sa craie, un substrat exceptionnel qui aide à réguler l’eau et à restituer la chaleur aux vignes. Cependant, il serait réducteur de ne parler que de craie : argiles, marnes, calcarénites ou encore sables viennent enrichir cette diversité géologique. Par exemple :

  • La montagne de Reims est connue pour ses sols calcaires et argilo-calcaires qui apportent structure et fraîcheur aux vins.
  • La vallée de la Marne associe calcaires, argiles et limons, favorisant des champagnes généreux et fruités, notamment ceux issus du pinot meunier.
  • La côte des Blancs, pivot du chardonnay, offre une homogénéité remarquable avec sa craie pure, idéale pour la fraîcheur et la minéralité.

Cette diversité ne s’arrête pas là. Même au sein d’une même région, on observe des micro-variations dues à des facteurs comme l’altitude, l’exposition au soleil ou encore la pente.

Des parcelles particulières aux vins uniques

À la manière des climats bourguignons, certaines parcelles champenoises jouissent d’une renommée particulière. Ces lieux-dits ou spécificités de terroir sont parfois vinifiés et mis en bouteille séparément pour refléter leur caractère unique. Quelques exemples marquants :

  • Le Mesnil-sur-Oger : Ce terroir de la côte des Blancs produit des chardonnays d’une pureté cristalline, prisés pour leur finesse et leur intensité.
  • Bouzy : Situé dans la montagne de Reims, Bouzy est réputé pour la puissance de ses pinots noirs, souvent utilisés dans des champagnes rosés d’assemblage ou en rouges de base pour les cuvées spéciales.
  • Aÿ : Ce Grand Cru de la vallée de la Marne est célèbre pour ses pinots noirs riches et vineux qui marient parfaitement puissance et élégance.

Certains vignerons ont pris le parti de mettre ces parcelles en avant, en proposant des cuvées parcellaires ou des expérimentations mono-cru. Pierry, un village Premier Cru proche d’Épernay, est, par exemple, connu pour ses vins issus de parcelles spécifiques bénéficiant d’une exposition optimale.

Les micro-terroirs et les maisons de champagne

Si l’approche par terroir est souvent associée aux vignerons indépendants, les grandes maisons de champagne s’en emparent aussi. Elles savent que la richesse des micro-terroirs peut enrichir leurs assemblages complexes, qui font la renommée des cuvées non millésimées.

Ces maisons disposent souvent de vastes vignobles répartis sur des dizaines de terroirs, ce qui leur donne une palette aromatique incomparable. Par exemple, Krug et sa célèbre parcelle « Clos du Mesnil », vinifiée séparément, est un bel exemple de mise en lumière d’un terroir d’exception. Bollinger, avec son Clos Saint-Jacques à Aÿ, poursuit une démarche semblable.

Les limites du concept en Champagne

Malgré ces similitudes avec les climats bourguignons, la Champagne ne s’inscrit pas encore dans une logique aussi structurée de micro-terroirs. Plusieurs raisons expliquent cela :

  • L’importance de l’assemblage : Le champagne repose historiquement sur l’art de l’assemblage, c’est-à-dire la combinaison harmonieuse de cépages, de parcelles et de millésimes. Cette pratique privilégie la notion de complémentarité à celle d’un terroir unique.
  • Des parcelles souvent dispersées : En Champagne, les exploitations comptent souvent de nombreuses petites parcelles, parfois éloignées les unes des autres. Cela rend plus complexe une gestion parcellaire systématique.
  • Un cadre réglementaire différent : Le système des appellations champenoises ne distingue pas encore officiellement les types de terroirs avec la même précision que les climats de Bourgogne.

Cependant, la situation évolue. De plus en plus de producteurs revendiquent une approche parcellaire pour mieux comprendre et révéler les subtilités de leurs terres. Ces démarches contribuent à enrichir notre vision de la Champagne comme un vignoble aux multiples facettes.

Une réflexion en constante évolution

À la question posée dans cet article — existe-t-il des micro-terroirs ou climats en Champagne comme en Bourgogne ? —, la réponse est nuancée. Il ne s’agit pas d’un concept aussi formalisé qu’en Bourgogne, mais les micro-terroirs champenois sont bel et bien là. Ils façonnent la diversité incroyable des champagnes que nous dégustons, en silence ou de manière explorée par certains vignerons audacieux.

Ces initiatives, encore trop rares, offrent de belles perspectives pour la Champagne de demain. Peut-être, dans un futur proche, l’idée de « climats champenois » s’imposera-t-elle comme une évidence ? Une chose est certaine : que vous soyez novice ou passionné, prendre le temps de comprendre, chercher et goûter les spécificités des terroirs champenois est une expérience aussi fascinante qu’effervescente.

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